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Coureur ou Runner 2.0 : Le clivage | LJQR

Deux catégories de RUNNERs: le runner plaisir et le runner performance (ou coureur à pied, ou coureur). Telle est la dichotomie du milieu esquissée à très grands traits. Bien sur, la recherche de performance est une source de plaisir chez le coureur à pied. Tandis que le chronomètre est perçu comme une dictature chez le militant du run for fun ... telle est l’asymétrie implacable et empirique.




Célestin incarne le run for fun, c'est un runner plaisir (selon notre dichotomie liminaire). Son Graal à lui, c'est le selfie avec médaille post marathon en 4h45'36". Ce sont les likes et les bons mots exigés à coup de post interchangeables, entre milles autres par milles autres semblables. Ses données à lui sont fongibles.



Toujours là? On vous explique ...


En surfant sur les réseaux sociaux ce matin, on apprenait qu'une minime (14/15 ans) clermontoise vient de claquer la deuxième performance française de tous les temps sur 2000m avec 6'20''83 (soit du 3'10" par kilomètre de moyenne, pour les nuls en math). La performance interpelle et suscite l’admiration. La jeunette dispose assurément de quelques qualités innées pour aller aussi vite, si jeune et aussi longtemps. On peut imaginer qu'il y ait aussi du travail derrière à l'entraînement (on ose espérer que la structure de cette athlète se montre néanmoins raisonnable sur la charge) ...


Pourquoi rappeler une telle anecdote extraite du flux torrentiel des données déversées sur les réseaux sociaux en général, sur la runningosphère en particulier?


Pour répondre, du moins, commencer à répondre à cette question, une autre anecdote.


En se perdant sur un groupe de running sauce Facebook, on peut apprendre que Célestin vient de faire un footing de 8km en 1h25'38", capture Garmin, selfie, hashtags et slogan pouacreux à l'appui. Autre constat, une centaine de likes, cœurs et des commentaires élogieux sur la "performance" de la "machine" Célestin ... toujours fidèle au post du partage running SYMPA! Toujours le smile et le pouce levé Célestin ...


Et alors?


Vous ne voyez rien?

La seconde performeuse nationale de tous les temps sur 2000m a vu son score relayé par d'autres. Célestin, lui, a matraqué himself sa sortie anonyme sur les réseaux sociaux!


Et alors?


Vous êtes de mauvaise foi, et particulièrement retors.

Notre clermontoise véloce est un runneuse performance, assurément. Elle ne demande rien, sauf à elle-même quand elle pousse la machine. Le résultat vient couronner son labeur et son talent. Son chrono, c'est son hashtag #Finisher à elle ... durement glané!


Célestin incarne le run for fun, c'est un runner plaisir (selon notre dichotomie liminaire). Son Graal à lui, c'est le selfie avec médaille post marathon en 4h45'36". Ce sont les likes et les bons mots exigés à coup de post interchangeables, entre milles autres par milles autres semblables. Ses données à lui sont fongibles.


Notre célestin court donc pour le seul plaisir mais inonde les réseaux sociaux de ses sorties runnings, de ses selfies et de son pathos #NoPainNoGain ... la dissonance cognitive n'est jamais loin. Mais personne pour le mettre en garde contre ce paradoxe qui gonfle ... le bon sens n'a plus droit de citer dans ce petit univers parallèle, dans cet égregore qui grossit, boulimique de data insipides. Des datas qui alimentent également les algorithmes de l'aliénation.


Le runner plaisir court après une reconnaissance détournée. De la notification, du smartphone qui vivre au fond de la poche. Le runner plaisir est un poisson rouge dont l'attention a été braquée par les réseaux sociaux, par le Néant 2.0 ... la multi-altérité creuse.


Le Runner plaisir exige de l'Autre. Son plaisir est intermédié par l'Autre, abstrait, inexistant. Le Rien (sa prouesse) par le Prisme (la plateforme) du Rien (l'Autre abstrait) devient pour lui le Tout. Son plaisir ...

Le plaisir n'existe selon lui qu'en ce qu'il est partagé et commenté. Comme validé. Le plaisir de l'instant (courir) est un sentiment vain, virtuel, tant qu'il n'est ponctué par la validation du Rien numérique.


Le runner performance quant à lui, KIFF quand il envoie tout sur le dernier de ces dix 400m de sa séance. Son petit supplément à lui? Le selfie en sueur? Non, le petit 1/4 d'heure de retour au calme en 5'/km ... RELAX! Rien ne l’empêchera de poster sa séance ensuite, de la commenter etc etc mais son plaisir est déjà consommé bien avant cela.


Rien de tout cela chez le runner qui écoute sa musique urbaine en plein footing dans la forêt, ou qui prend des photos illico envisagées comme valeur ajoutée sur les réseaux sociaux pour son partage à venir. Il a hâte de rentrer d'ailleurs ...


Derrière le sourire niais du runner plaisir se cache maladroitement la tristesse, la névrose parfois (...) de plus en plus. Derrière le masque de souffrance du runner performance dégouline le plaisir ...

Le voilà le paradoxe que tu refuses de voir, honteux que tu es , et trop content de trouver chez tes semblables co-pathologiques la confirmation de tes biais les plus morbides.


Le Running 2.0 est une prison même pas dorée et sans barreau dans laquelle le runner 2.0 est enfermé, par l'aliénation et la captation de ton attention par ces stimulii incessants auxquels tu succombes, pourtant convaincus de ta Liberté!


La Grande famille du Running 2.0 est une famille recomposée qui réunit les divorcé.e.s (les cocu.e.s) de madame pudeur, de monsieur dignité, et consorts maturités et progrès ... Ou plus grossièrement, un repère de névrosé.e.s et d'histrioniques opportunistes.


Un point commun cependant entre notre runner plaisir et notre coureur performance ... ils ont tous deux tendance à en faire toujours plus.


Célestin devra innover dans le # et le selfie et/ou borner toujours plus pour épater un Autrui amorphe et blasé face au spectacle proposé.


Le coureur performance quant à lui pour jouer aux jambes de fer contre le temps, le chrono ... par étapes méthodiquement planifiés.


Le temps justement, une notion universelle par essence, mais pourtant polysémique ici. Le coureur à pied cherche à en gagner contre le chronomètre quant célestin lui, le perd lamentablement en ingénierie du "moi je".



Le Joggeur Qui Râle



 

Pour les besoins de la démonstration, nous avons simplifié le tableau en traitant de la "masse". Il est de rares spécimen de runners hyper 2.0 qui performent (et font même des poèmes). Aussi, tout étant question de mesure et d'équilibre, cet exposé concerne le runner 2.0 frénétique ou presque, pas le quidam qui se laisser aller, de temps en temps à un petit partage - pour marquer le coup - pour "célébrer" une satisfaction ponctuelle, un objectif, un instant partagé ...

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